Le petit portier


Ô suranné voisin clairement dépassé
Par ces technologies que tu ne peux dompter
Je sais qu'il t'est obscur malgré tant de métier
De comprendre comment il faut poignée manier.
Aussi porte tu claques douze fois la journée
A faire trembler les murs jusqu'à vaisselle casser.
Peut-être t'ennuies-tu du fond de ta retraite
Pour abhorrer ainsi dans quelque sotte quête
Ton gentil voisinage qui ne trouve d'autre option
Que de rendre pareille pour vile compétition.
Surdité tu prétextes ; sans doute il est plaisant
De coquebine astuce d'être un con descendant.

(Exceptionnellement, il n'est pas question d'une nuisance liée au quartier ; celle-ci est bien plus attenante. 
Pour celles et ceux qui connaissent cet immeuble, il s'agit de ce doux imbécile que je surnomme pour l'instant affectueusement "Papy Porte"... tant que je ne lui prodigue pas une coloscopie avec la poignée de ladite porte.)

La petite moraliste


Avouons, c'est incongru quand on est harassé
De voir surgir furie à l'esprit bien lissé
Pour fustiger les "cons" croulant sous la détresse
Et tous ceux méritoires d'une tape sur les fesses
Innocente habitante d'un quartier tout pimpant
- Ô éminente flamme au génie flamboyant -
Pour nous catéchiser à coups de sa houssine
Quant aux réalités qui de loin la bassinent.
Mais réjouis-toi ma belle, écartée des contrées
Que tu ne connaîtras par prudence étudiée
Tu as toutes les chances - sans te faire porter pâle -
De rejoindre toi-même cette liste municipale.

Les petits capuchons


Puisqu'en somme d'aucuns ne jugent qu'en Bretagne
D'une forte insolation n'est meilleure compagne
Qu'une épaisse capuche pour mieux se protéger
Nombreux petits soldats vont se mobiliser.
Agacer le passant pour mettre en évidence
Par brochettes de douze avec persévérance
Que l'urgence médicale consiste à camoufler
Ou de baisser la tête pour rougeurs éviter
N'est que contribution à nouvelle euphorie
Pour nous autres pâlots, imprudents infinis.
Pourtant je m'interroge : si tant d'affinités
Tu aimerais partager... porte un joli bonnet.

Le petit aéroplane (bis)


Dès lors qu'on s'imagine, désolant jour férié
Finalement jubiler d'un fléau épargné
Voilà que tu renais gourdiflot bimoteur
Afin de nous narguer et frôler nos demeures.
Quelle ivresse de parier sur laquelle tu vas bien
T'écraser follement si bêtise se maintient.
Des invités aux chats que tu vas disperser
A défaut de napalm, ces frayeurs justifiées
Vont fort nous motiver pour d'ici déguerpir
Avant l'inévitable sur lequel bien gémir.
Ton pied essaie de prendre, bel impuissant hautain
Mais ne fais fi du nôtre dans ton cul mitoyen.

Le petit ventilateur


Prospèrement pour nous, d'atmosphère tiédasse
Il est bon de passer sans que nul ne s'agace
A de bien agréables soudaines brises volées
Quand toi Supercopter tu viens nous effleurer.
D'habiles évasions à de maigres larcins
Il te faut survoler tous les Jacquolandins
Pour repérer dare-dare avant la nuit tombée
Ces aimables coquins qui charment le quartier.
Tu es parfois bruyant, il nous faut bien l'avouer
Mais de loyaux services ne pouvons te blâmer.
Après avoir bouclé maintes courses-poursuites
Pars vite te reposer, c'est bientôt les trois-huit.

Les petites voilures


Bel attiédi printemps, voilà que tu fais naître
A s'exposer par paires tous les deux ou trois mètres
De farouches bipèdes toutes drapées de noir
Effrayant les enfants à gaspiller mouchoirs.
Température oblige, pauvrettes dégoulinent
Deux poussettes à la main et l'humeur chafouine
(Sans compter le dernier enfoui au creux des reins.)
Il fait chaud sous les voiles, c'est loin d'être serein
Mais de provocation elles vont exagérer
Dans cette mascarade afin de nous prouver
Que des rayons solaires il faut se protéger
Voire laïcité envoyer balader.

La petite braillarde

Régal de se gaver sans besoin de partir
D'un copieux exotisme à deux doigts d'en vomir.
Voilà de Bamako maints brouets importés
Quand dans frêles oreilles journellement beugler
Tu vas des heures durant. Goulue de décibels
Il te faut imposer ton débit torrentiel
Pour montrer que tu es, hurlant fort à tout va
Ancrée dans ce quartier, laissant voisins sans voix.
C'est aussi culturel - il n'en faut point douter -
De centaines d'habitants que de la vie gâcher
A toi seule gueularde avant de retourner
Ô bonheur quelques temps dans ta sourde contrée.

Le petit cascadeur


Montjoie qu'il est urbain, voilà la nuit tombée
D'écouter tes exploits, ô gros dégénéré
Derrière le volant de ton Audi volée
Quand de toutes tes roues tu viens nous enchanter
D'ineptes dérapages, fais bien les pneus crisser.
Ce n'est que culturel, on ne peut te blâmer
D'assouvir cette soif que tu aimes importer
De tes contrées lointaines où tu es mal aimé
Tout comme ici d'ailleurs, nul ne va s'en cacher.
Heureusement pour toi tu es bien protégé
Des lois de ce pays, roule vite en profiter.
Encore un maigre effort, tu seras agréé.

La petite fourrière


Je ne puis oublier, ô ma mairie futile
Qu'un jour tu m'as privé, décision imbécile
D'un noble véhicule, sans vraie raison donner
Si ce n'est d'un crétin qu'elle était cautionnée.
Quand au-delà des lois il m'est donc reproché
De rouler trop modeste sur tes passages floutés
Sans moindre préavis tu voues à destruction
Mon unique moyen de changer condition.
Aujourd'hui tu t'excites, miséreux créancier
A demander l'aumône pour caisses renflouer.
Apprends belle panouille qu'il est vain d'en vouloir
A ce peuple d'en bas qui n'est ton accoudoir.

Les petits jardiniers


Ô belle Mère Nature, quand vas-tu t'épanouir
De janvier à décembre à trop te faire occire
Par ces paysagistes que tu vois revenir
Plusieurs jours par semaine afin d'entretenir
Quelques mètres de plantes déjà bien trop taillées.
Mais des litres d'essence il leur faut consommer :
Conventions contractuelles, ils n'ont pas d'autre choix
De vider réservoirs dans ce grand jeu de l'Oie.
Et tondant dans le vide, ils vont se promener
Leurs couteaux chatouillant tes branches nécrosées
Pendant des heures durant jusqu'à la pénurie.
Après tout l'on s'en fout de cette écologie.

Le petit pompier


Ah, radieuse journée, et voilà que soudain
Une ingénue nuisance mon prodigieux voisin
Vient de nous inventer. Fougueux pendant cinq heures
Tu as bien arrosé ton balcon, tout rieur
Quand il est stipulé en gras sur tous nos baux
Que Kärcher est proscrit par respect des rivaux.
Oui mais toi tu t'en fiches, tu n'es point concerné :
De moult litres d'eau tu vas nous inonder.
Après tout cette charge restera partagée
Facturée à nous autres, minables sanctionnés.
Mais ta petite lance t'aura au moins permis
L'espace d'une journée d'avoir un gros zizi.

Le petit aéroplane


Ô mon bel emmanché, vite déploie tes ailes
Il est temps de gâcher, intraitable hirondelle
Notre douce quiétude si chèrement payée
Par quelque pirouette au-dessus du quartier.
Au-delà des forêts tu pourrais voltiger
Mais bien plus truculent il est de nous frôler
Déversant kérosène sur nos humbles balcons
Quand moult décibels tu parsèmes à foison.
Si d'une sotte loi les voitures sont punies
Pour quelque pollution, tu demeures grandi.
Et bien au-dessus d'elles, mon glorieux imbécile
Tu voleras toujours, intangible débile.

Préambule


Saint-Jacques de la Lande, banlieue de Rennes

Des voisins indélicats et grossiers,
des sans-papiers massivement importés,
des petits dealers excités aux grosses cylindrées,
des progénitures braillardes et mal élevées,
des hordes de fétides parasites encapuchonnés,
des apprentis pilotes aériens aux loopings effrénés,
aux hebdomadaires légions de paysagistes qui n’ont rien à débroussailler...

Ce quartier jadis agréable - dorénavant bien ancré dans son époque - regorge de nuisances en tout genre défiant chaque jour davantage les lois de la gravité.

Le quotidien de cette banlieue, c’est aujourd’hui en alexandrins que je vais vous le conter...

... avant d’y mettre un sérieux coup de prose.